Le CEREFREA Villa Noël et l’Université Lumière Lyon 2, en partenariat avec l’Université catholique de Louvain, ont organisé les 14 et 15 septembre 2018 à la Villa Noël (6, rue Emile Zola, Bucarest) le colloque international « Complexité et mégadonnées dans les sciences sociales ». L’événement s’est inscrit dans les activités de l’axe de recherche du CEREFREA « Les sciences sociales et la société » soutenu par l’Agence universitaire de la Francophonie en Europe centrale et orientale et la Délégation Wallonie-Bruxelles à Bucarest et celles du projet « BIG DATA – SHS.0 », financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dans le cadre du programme « Soutien aux coopérations universitaires et scientifiques internationales 2017 ».

Dans les sciences sociales on entend souvent par complexité l’apparition d’événements rares et imprévisibles, les discontinuités de développement, la multiplicité des modèles qui décrivent le même phénomène, voire le postulat de facteurs inconnus comme dans la conception diltheyenne des deux formes de connaissance. D’autres penseurs associent la complexité à l’organisation du vivant, aux logiques trivalentes, au désordre, aux trajectoires temporelles. La continuité historique peut être vue soit comme une courbe qui n’a pas de tangente (il n’y a pas de sens linéaire de l’histoire), soit comme une table de jeu où les coups de hasard mènent à l’invention de nouvelles règles ou bien mélangent leur influence à des interférences avec les effets d’autres événements fortuits, soit enfin comme un système complètement ouvert dont les processus sont aléatoires. Comme nous vivons dans la durée, nous nous devons de saisir et de reconnaître les changements qui lui donnent sa teneur. 

Les nouvelles technologies et la préoccupation croissante pour la modélisation offrent des chances de tester des hypothèses et d’en investiguer d’autres. En particulier l’étude des phénomènes massifs avec les méthodes des big data font des promesses qui seront peut-être tenues. 

Dans ce contexte, notre colloque, qui a réuni une vingtaine de participants de plusieurs pays (France, République de Moldavie, Roumanie), a constitué un progrès sensible par rapport à celui de l’année dernière, consacré aux mégadonnées. La réflexion commune entre les spécialistes en informatique et spécialistes en SHS s’est approfondie et de nouvelles lignes de recherche ont été ouvertes. On a proposé des idées nouvelles sur la similarité sémantique. 

Le rapport entre ce qu’on appelle « le pouvoir des algorithmes » et le comportement humain a été étudié dans divers domaines et dans plusieurs perspectives (juridique, médicale, philosophique). L’individu est souvent réduit à un « profil » et par cette opération la réalité des sociétés est réduite à la statistique de ces représentations dont le statut est très douteux. La perception sociale des groupes à travers les médias sociaux doit être enrichie et peut-être corrigée par l’étude d’autres sources, en particulier par des études qualitatives.

Un intérêt croissant pour le texte littéraire (Bel Ami de Guy de Maupassant, la Correspondance de Diderot, etc.) et les difficiles problèmes qu’il pose a donné lieu à des propositions de continuation des recherches communes. La polyphonie des opinions dans l’espace public demeure souvent un problème, car les choix faits par les algorithmes tendent à écraser la diversité. Les humanités numériques sont elles aussi génératrices de big data, ce qui souvent est ignoré. Le colloque a montré la fertilité de la coopération entre les chercheurs en informatique et les chercheurs en SHS (spécialistes de sciences politiques, sociologie, journalisme, histoire, etc.), lorsque les thèmes de recherche font l’objet d’un débat profond et créatif dans le cadre d’équipes interdisciplinaires et internationales. Un exemple est le corpus COROLA de la langue roumaine, réalisé par l’Académie Roumaine avec l’appui de la Fondation Humboldt.