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Journée d’études

Construction féminine et masculine dans les littératures française et francophones

22 mars 2018, 10h00-14h00
CEREFREA Villa Noël, 6 rue Emile Zola, Bucarest

Le CEREFREA, en partenariat avec le Centre HETEROTOPOS de l’Université de Bucarest, organise le 22 mars, à partir de 10h00, la journée d’études « Construction féminine et masculine dans les littératures française et francophones » qui a comme but la manière dont la littérature intervient dans la (dé)construction sociale du genre, à différentes époques et dans différents espaces socio-culturels. L’événement est organisé dans le cadre de l’axe de recherche du CEREFREA Francophonie et droits humains et du projet FE-M-AS. 

Les questions liées au genre occupent de plus en plus d’espace dans les recherches menées dans différents domaines et champs d’étude. Qu’il s’agisse de la sociologie, de l’anthropologie, des études culturelles ou du domaine dédié des études de genre, les spécialistes se penchent de plus en plus souvent sur la façon dont la différence, naturelle, de sexe, crée une différenciation, culturelle, de genre. Il s’agit donc, encore une fois, de mettre en lumière la dichotomie nature/culture et de s’intéresser aux effets qu’elle engendre au niveau des représentations qu’on se fait, qu’on perpétue ou qu’on essaie de changer.

Toute société se fonde sur un système de normes et de valeurs, transmises à travers le temps et les générations, qui régit le fonctionnement de la structure sociale et crée les conditions pour la hiérarchisation des rôles et des statuts. Il s’agit, comme nombre de spécialistes l’ont souligné (à commencer par Derrida, Bourdieu, Butler, Héritier, pour ne citer que les auteurs qui sont les figures de proue), d’une construction qui sert à maintenir sur un certain cours établi et dans certaines limites du conventionnel différents aspects de la vie en société.

C’est sur cet échafaudage de normativisation que les questions du genre viennent s’imbriquer. On parle notamment de la condition féminine, compte tenu surtout du caractère patriarcal de la plupart des sociétés modernes et contemporaines, en oubliant trop souvent une autre dichotomie importante, celle entre le masculin et le féminin. Il y a une condition masculine tout aussi bien qu’une condition féminine, car les deux genres sont soumis à des catégorisations et à des encadrements qui leur imposent, à travers une manière de penser tenue pour correcte et donc immuable, une standardisation des comportements à toutes les échelles de la vie. Il s’agit d’une répartition des rôles et d’une hiérarchisation contraignantes non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes, obligés à accepter leur masculinité comme porteuse intrinsèquement de supériorité par rapport à l’autre genre ou à construire leur virilité, un idéal de masculinité. Cette obligation sociale se traduit, pour les deux sexes même si dans des sens inverses, dans des manières de se rapporter à soi, à son corps, à l’autre sexe et au corps de celui-ci, à des « qualités » et des « défauts » (sensibilité vs. force, objectivité vs. subjectivité, transcendance vs. immanence, indépendance vs. dépendance, essentiel vs. inessentiel, activité vs. passivité, etc.), à la sexualité et, plus généralement, à la socialisation. En paraphrasant Simone de Beauvoir avec son essai philosophique Le Deuxième sexe, on pourrait dire que les femmes tant que les hommes deviennent ce que la société les prépare à être : « On ne naît pas femme [ou homme], on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle et [le mâle] humain[s] ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle [la femelle] et le castrat [mâle] qu’on qualifie de féminin [masculin] »

Les structures sociales ne sont pas aussi immuables qu’elles peuvent sembler à une première vue et les constructions qu’elles sous-tendent ne sont pas tellement stables. Afin d’analyser les failles dans cette construction du genre, il faut procéder à une déconstruction (ce qui ne veut pas évidemment dire destruction) des critères qui l’ont engendrée et à une remise en place des « briques » qui la composent afin de trouver un équilibre plus stable et d’aller vers une liberté personnelle et sociale qui quitte les limites rigides des rapports dont on a parlé précédemment. Pour y arriver, nous nous proposons, entre autres, d’entrer dans l’étude critique des masculinités, l’études des hommes (Raewyn Connell) car, « en dénonçant la masculinité normative d’une figure virile, les masculinity studies ont permis d’introduire l’idée d’une pluralité d’incarnation du masculin en dehors d’une référence systématique à la virilité. » Les women’s studies ne seront pas occultées, bien évidemment, chaque représentation sera étudiée et analysée l’une par rapport à l’autre. 

La littérature, de par son rôle de représentation de la réalité, sert d’intermédiaire obligé pour cette remise en place de ces rapports et de véhicule menant vers un changement de mentalités. Le but de cette journée d’études est de mettre en lumière la manière dont la littérature intervient dans la (dé)construction sociale du genre, à différentes époques et dans différents espaces socio-culturels. On se penchera sur la façon dont la littérature crée un espace de discussion et de négociation des rapports de genre et pose les prémices pour une reconfiguration des rôles et des hiérarchies.

Derrida, Jacques, Geschletcht I. Différence sexuelle, différence ontologique, Le Cahier de l’Herne, 1983.

Bourdieu, Pierre, La Domination masculine, Paris, Le Seuil, coll. « Liber », 1998.

Butler, Judith, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, trad. Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2005.

Héritier, Françoise, Masculin-Féminin I. La Pensée de la différence, [1996], Paris, Odile Jacob, 2002.

Beauvoir, Simone de, Le Deuxième Sexe, [1949], Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1976, republié en 2009, tome 2, p. 13.

Rivoal, Haude, « Virilité ou masculinité ? L’usage des concepts et leur portée théorique dans les analyses scientifiques des mondes masculins », Travailler 2017/2, n 38, p. 141-159.