Iziko Museums of South Africa, Le Cap (27 juillet au 9 août 2017). Candidatures à envoyer avant le 15 avril 2017

Les processus de patrimonialisation ou la revendication d’un héritage dans le cadre d’une (re)construction nationale sont des phénomènes complexes. Dans les périodes de transition historique, les enjeux sont multiples et la fragilité du contexte politique est un riche terreau pour un renouveau des rapports à la représentation du passé. Pour comprendre ces processus, il faut mobiliser des savoirs en histoire, en anthropologie, en archéologie, en sciences politiques, en histoire de l’art, et en muséologie. Leur décryptage nécessite donc une collaboration interdisciplinaire, qui n’est pas toujours aisée à instaurer dans le cadre institutionnel existant dans le domaine de la recherche, construit autour des disciplines distinctes. Le but principal de cette école thématique est de créer un espace de formation des doctorants et d’échange interdisciplinaire entre des chercheurs travaillant sur les processus de patrimonialisation, les usages et la « muséification » du passé en lien avec la construction nationale (ou plus largement identitaire).

En tant que « zone en post-conflit où les relations avec le passé et avec les lieux de mémoire et d’histoire traumatique sont scrutées de très près » (Meskell, 2012), l’Afrique du Sud est particulièrement riche et propose des terrains complexes pour examiner ces questions. Alors que l’Europe de l’Ouest et en particulier l’Allemagne reçoivent depuis longtemps déjà une attention considérable en tant que véritables laboratoires de la production mémorielle et pour la Geschichtsbeweltigung, une historiographie récente témoigne des approches théoriques et pratiques innovatrices dont l’Afrique du Sud est le théâtre depuis une décennie (e.g. Nuttall and Coetzee 1998, Davison 1998, 2005, Legassick and Rassool 2000, Coombes 2003, Lalu 2009, Meskell 2011, Esterhuysen 2012, Hamilton et al. 2012, Hamilton and Skotnes 2015, Peterson, Gavua and Rassool 2015, pour ne citer que quelques références), avec des cas qui établissent de nouveaux paradigmes dans la confrontation avec des passés difficiles qui questionnent les problèmes fondamentaux d’autorité et de représentation.

L’école thématique prendra la forme d’une formation à la recherche en sciences sociales, développée ensemble avec plusieurs institutions partenaires, chercheurs, commissaires d’exposition et artistes travaillant sur des archives, collections ou mémoires coloniales.  

La première édition était organisée à Istanbul, à l’Institut Français d’Études Anatoliennes (IFEA) (juin-juillet 2016), l’actuelle se tient au Cap, et une troisième édition est prévue à Cotonou ou à Porto-Novo en 2018. 

Format de l’école thématique

L’école comporte plusieurs volets : 

des cours dispensés par des professeurs provenant des institutions partenaires, mais également par des professeurs invités. Les cours porteront tant sur la méthodologie de la recherche, que sur des sujets comme l’histoire des politiques urbaines/ des musées/ des recherches archéologiques en Afrique du Sud. Aux cours et ateliers « classiques » s’ajouteront des discussions informelles quotidiennes avec les étudiants tout au long de l’école, pour les aider à remanier leur projet, à élaborer les guides d’entretiens, à trouver des références bibliographiques ou des sources documentaires, etc. 

un atelier pratique d’anthropologie visuelle (voir ci-dessous pour une brève description) 

des visites guidéesde la ville (musées publics et privés, galeries d’art contemporain, zones affectées par des métamorphoses contemporaines, et visites guidées de sites archéologiques. 

la recherche de terrain proprement-dite : des « équipes » réaliseront une recherche de terrain (entretiens, observation participante, recherche dans les archives nationales centrales ou locales/ privées, etc.). 

un atelier de pratiques curatoriales : comment concevoir une exposition, du projet scientifique muséographique jusqu’à la mise en place des partenariats et des dispositifs de médiation. 

• L’école thématique se clôturera par une présentation des résultats de cette recherche préliminaire, sous une forme choisie par les doctorants : une présentation orale, un poster scientifique, une exposition photographique/ multimédia (extraits d’entretiens, matériel vidéo), un projet de film documentaire ou un happening dans un musée/ atelier d’artiste. 

Contenu scientifique :

Les cours et les projets de recherche des doctorants se déploieront sur quatre axes principaux, à savoir : 1. les politiques urbaines et les politiques de la mémoire, 2. les constructions muséographiques, 3. les pratiques artistiques contemporaines, 4. les pratiques archéologiques.

1. Les politiques urbaines et les politiques de la mémoire : Les cours mettront en discussion les représentations du passé dans le tissu urbain de Cape Town. Elles adresseront également les méthodologies pour « lire » l’espace urbain, y compris la méthodologie de l’ethnographie visuelle, “science and technology studies”, etc. L’intention est d’inciter les étudiants à mener une réflexion sur la manière dont l’espace urbain lui-même (re)présente différentes narrations historiques et construit la mémoire culturelle de la ville et de la « nation » : Comment reconstruit-on la ville (post)coloniale, postapartheid dans l’Afrique du Sud ? Comment des « sites » spécifiques (lieux, événements clés pour l’histoire du colonialisme, de l’esclavage, du régime d’apartheid) deviennent des lieux de l’oubli, de l’amnésie politique ou sociétale ou, en reprenant la formule de Pierre Nora, des « lieux de mémoire » ?

2. Les constructions muséographiques : On invite les doctorants à s’interroger sur les processus de réécriture, renégociation, réappropriation du passé (colonial/ du régime d’apartheid, etc.) à partir des collections muséales. On vise à aider les étudiants à comprendre, explorer et développer des pratiques curatoriales liées à la mise en exposition des collections d’objets historiques, « ethnographiques » ou d’art. Les cours et les visites des musées problématiseront les pratiques de « (connaissance-) pouvoir » inhérentes à la construction des archives, la production des sources ainsi que leur utilisation pour l’écriture de l’histoire. 

3. Les pratiques artistiques contemporaines : Ensuite, on s’interroge sur les pratiques artistiques qui se positionnent par rapport à ces métamorphoses de l’espace urbain, à l’amnésie politique ou sociétale. En rencontrant des artistes contemporains ou en visitant des musées et des espaces artistiques, on examinera les enjeux esthétiques, politiques et épistémologiques de la rencontre entre l’art contemporain et les politiques urbaines et muséales. 

4. Les pratiques archéologiques : Finalement, on peut interroger la production des savoirs sur le passé à travers les pratiques archéologiques et la particularité de leur histoire, le rôle de l’archéologie dans la société sud-africaine contemporaine et la manière dont les communautés locales interagissent avec les sites archéologiques. 

Enseignants :

Les cours et les ateliers méthodologiques seront donnés par des spécialistes en anthropologie urbaine, politique et visuelle, en histoire de l’art et de l’archéologie, en sociologie politique ou géographie urbaine. Liste (non-exhaustive) des enseignants: Gruia BĂDESCU (University of Oxford et University of Cambridge), Simina BĂDICĂ (Musée du Paysan Roumain), Wendy BLACK (Iziko Museums of South Africa), Felicity BODENSTEIN (Musée du Quai Branly – Jacques Chirac), Patricia DAVISON(Cape Town), Monica HEINTZ (Université Paris Nanterre), Cynthia KROS (Johannesburg), Damiana OTOIU (Université de Bucarest),  Ciraj RASSOOL (University of the Western Cape),  Naomi ROUX (University of Cape Town),  Anna SEIDERER (Université Paris 8), Alexander SCHELLOW (Berlin) ; Catherine PERRET (Université Paris 8),  John WRIGHT (Cape Town), Paul TICHMANN (Iziko Social History Centre, Iziko Museums of South Africa). 

L’atelier visuel se propose de capturer les trajectoires de l’art engagé en Afrique du Sud, de ses motivations sociales, via sa conception et production, et jusqu’à sa réception par le public. Prenant comme point de départ quelques œuvres d’art réalisées par des artistes sud-africains contemporains, l’atelier se pose comme un espace de dialogue avec ces artistes qui devrait permettre de retracer leur généalogie sociale, leur engagement social et artistique et l’accueil du public, via le medium filmique. Le dialogue interculturel entre des étudiants internationaux et des artistes locaux est un terrain fertile pour une réflexion sur les différentes manières d’envisager les agendas sociaux, les modalités d’engagement, les contextes de création, les jugements esthétiques, les liens avec le public local et international. Dirigé par Monica HEINTZ, Université Paris Nanterre, l’atelier visuel est organisé en collaboration avec des artistes et chercheurs locaux, tels que Ri’aad DOLLIE, University of the Western Cape. 

Les doctorants auront la possibilité de rencontrer non seulement des chercheurs (anthropologues, archéologues, sociologues, historiens de l’art, etc.) mais également des artistes, des professionnels des musées, des architectes ou urbanistes. Ils pourront aussi bénéficier des ressources qui seront mises à leur disposition par les archives et musées locaux. Les doctorants auront la possibilité d’échanger autour de leurs propres projets de recherche.

Suites du projet

Les doctorants participants à l’école thématique pourront valoriser leur recherche à la fin de l’école thématique, à travers une conférence publique. Ils pourront également joindre les cours/ séminaires/ colloques organisés dans le cadre du projet Museums and Controversial Collections. Politics and Policies of Heritage-Making in Post-colonial and Post-socialist Contexts: http://www.nec.ro/research-programs/uefiscdi-cncs/te-projects/current/museums ou Glissements de terrain. Les collections muséales réinvesties par le champ de l’art contemporain, par exemple le séminaire Rewriting the Colonial Past: Contemporary Challenges of Museum Collections, qui a lieu à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales/Ecole Normale Supérieure, Paris: https://enseignements-2016.ehess.fr/2016/ue/1729//

Ils seront encouragés à continuer la réflexion autour de ces problématiques dans le cadre de leur parcours doctoral et d’élaborer des articles, des projets (individuels ou collectifs) d’expositions photographiques ou de films documentaires. 

Dans le cas où il y a un intérêt de la part des doctorants, le Centre Régional Francophone de Recherches Avancées en Sciences Sociales de Bucarest (l’axe de recherche « Processus de patrimonialisation ») met à disposition ses locaux et un petit budget pour l’organisation d’une exposition photographique ou multimédia. 

Sélection des participants :

Les potentiels étudiants devront envoyer une brève présentation de leur recherche doctorale (2-3 pages plus bibliographie et sources) et un CV avant le 15 avril 2017 à heritage.doctoralschool@gmail.com. Ils seront notifiés du résultat le 25 avril 2017

Co-organisateurs : Felicity BODENSTEIN (Musée du Quai Branly – Jacques Chirac), Monica HEINTZ (Université Paris Nanterre), Damiana OTOIU (Université de Bucarest, Faculté de Sciences Politiques/ Centre Régional Francophone de Recherches Avancées en Sciences Sociales de Bucarest), Anna SEIDERER (Université Paris 8).

Détails logistiques et financiers :

La participation à l’école thématique est gratuite, mais les participants doivent eux-mêmes couvrir les frais de transport. Les coûts de logement (une place dans une chambre double) sont couverts par les organisateurs. Certaines institutions partenaires (e.g. Paris 10 et Paris 8) peuvent partiellement couvrir les coûts de la participation de leurs doctorants, veuillez contacter les organisateurs pour plus d’informations. Des financements supplémentaires sont disponibles pour les étudiants de la région. Lors de l’envoi de votre dossier de candidature, veuillez nous indiquer si vous souhaitez bénéficier d’une telle aide. 

Organisateurs et partenaires : 

• Museums and Controversial Collections. Politics and Policies of Heritage-Making in Post-Colonial and Post-socialist Contexts de Romanian National Authority for Scientific Research and Innovation, CNCS – UEFISCDI, projet numéro PN-II-RU-TE-2014-4-2368, New Europe College, Bucarest,

• Ecole thématique « Processus de patrimonialisation : les usages et la “muséification” du passé en lien avec la (re)construction nationale », projet de La Maison d’Archéologie et d’Ethnologie, René-Ginouvès (CNRS/ Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne and Paris Nanterre),

• Glissements de terrain. Les collections muséales réinvesties par le champ de l’art contemporain, projet Université Paris Lumières, Paris, 

• Iziko Museums of South Africa, Cape Town,

• Université Paris 8, Saint-Denis, Laboratory Arts of images and Contemporary Arts (AIAC),

• Le Centre Régional Francophone de Recherches Avancées en Sciences Sociales de l’Université de Bucarest (CEREFREA Villa Noël),

• L’Agence universitaire de la Francophonie, Direction Régionale pour l’Europe centrale et orientale,

• Faculté de Sciences Politiques, Université de Bucarest,

• Institut Français d’Afrique du Sud, Johannesburg,

• The Centre for the Less Good Idea, Johannesburg (TBC).

Programme