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Appel à communications 

Le Centre de Recherche HETEROTOPOS et le CEREFREA

de l’Université de Bucarest

organisent

le colloque

L’aventure au-delà de l’aventure

Bucarest, 7-8 novembre 2019

Les sciences humaines ainsi que les études littéraires font ces derniers temps la part belle à toute une série de « désirs » qui, sans être consubstantiels à la nature humaine, en seraient progressivement venus à être plus ou moins perçus comme tels : désir de l’ailleurs, désir de l’autre, désir de rivage, désir de montagne, désir de désert etc. Il en va de même du « désir d’aventure », dont le développement, comme celui des autres désirs déjà évoqués, a, de toute évidence, partie liée avec l’histoire du voyage ou, plus généralement, avec celle des représentations et des pratiques de l’espace. 

Mais qu’est-ce que l’aventure ? À un premier abord, rien de plus simple, car ce qui nous vient à l’esprit est bien la littérature d’aventures, représentée par des auteurs comme Karl May, Fenimore Cooper, Jules Verne etc., et des personnages comme Winnetou, Tom Sawyer, Phileas Fogg ou même Tintin pour les amateurs de BD. Dans cette perspective, l’aventure désignerait le parcours spatial et temporel d’un ou de plusieurs protagonistes, parsemé de péripéties, d’histoires et d’incidents placés sous le signe de l’extraordinaire. Cependant, comme l’a bien montré Sylvain Venayre (La gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne (1850-1940), Paris, Aubier, 2002), le genre littéraire qu’est le roman ou le récit d’aventures – qu’il convient de bien différencier du premier moment de la littérature d’aventures, celui du roman d’aventures chevaleresques du Moyen Age – n’est pas né avant le milieu du XIXe siècle, époque qui voit aussi s’affirmer progressivement un nouvel imaginaire de l’aventure, qui lui vaudra du même coup une légitimité et un prestige accrus. C’est toujours au tournant des XIXe et XXe siècles que va émerger et se consolider un véritable mythe de l’Aventurier autour de figures séduisantes comme celles d’Arthur Rimbaud, de Lawrence d’Arabie ou d’Isabelle Eberhardt.

À y regarder de plus près, l’on s’aperçoit toutefois que la notion d’aventure excède ce cadre littéraire et historique déterminé, en renfermant en son sein une ambiguïté, voire une ambivalence qui risque de brouiller les pistes. Il suffit, en effet, de chercher à en proposer une définition ou un modèle générique pour se retrouver dans la peau d’un Antoine Roquentin qui, lors d’une conversation avec l’Autodidacte – ce dernier le tenant par ailleurs pour un aventurier avéré –, déclarait que « de ma vie je n’ai eu la moindre aventure, ou plutôt je ne sais même plus ce que ce mot veut dire » (Jean-Paul Sartre, La Nausée). Cela nous renvoie à ce flou constitutif évoqué par Georg Simmel, qui en suggérait le caractère profondément subjectif. Ainsi, loin d’être une idée claire et distincte, l’aventure semble-t-elle relever plutôt de la sphère du ressenti (G. Simmel), du sentiment (S. Venayre), voire de la tentation (V. Jankélévitch), en rejoignant par là même le territoire d’une histoire des émotions. 

Il nous serait dès lors loisible de prendre comme point de départ la définition minimale de l’aventure que propose Vladimir Jankélévitch : « l’avènement de l’événement » (L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Paris, Aubier, 1963). Ce serait comme le degré zéro de l’aventure ou l’expression de « l’aventure infinitésimale » (V. Jankélévitch), à quoi viendraient s’ajouter une série d’éléments et de paramètres à même d’en étendre et d’en préciser le sens, toujours variable, il est vrai, en fonction de l’angle d’analyse adopté ainsi que du contexte historique et culturel où elle s’inscrit. Afin de rendre compte de la nature protéiforme de cette « exploration passionnée de l’inconnu » – pour reprendre cette fois-ci une expression de Milan Kundera (L’Ignorance) – il s’agira de prendre en considération un certain rapport au temps et à l’espace (comme l’ailleurs et l’avenir en tant que dimensions privilégiées, mais pas uniques), au destin et au hasard (car l’aventure est-elle recherchée et provoquée ou bien subie ?), à l’amour (La Carte du Pays de Tendre n’était-elle pas déjà au XVIIe siècle une illustration des dangers qu’il y avait à s’y aventurer ?) ou à la mort (car n’est-elle pas l’horizon ultime de toute aventure ?). L’une des figures phares, qui incarne déjà certaines ambivalences et paradoxes de l’aventure, n’est autre que celle de Don Quichotte. Son parcours fantasque témoigne de tout ce que, dans l’aventure, il peut y avoir de risqué et d’extravagant, d’authentique et d’illusoire, de réel et d’imaginaire, tout en rompant avec le roman d’aventures médiéval et en ouvrant la voie aux aventures et aux aventuriers de la modernité.

En effet, l’un des aspects importants à prendre en considération serait celui de la figure de l’aventurier ou du « coureur d’aventures », ainsi que les nuances spécifiques que des termes comme aventurier et aventureux et leurs évolutions à travers le temps peuvent y apporter. En outre, compte tenu d’une certaine subjectivisation et intériorisation de l’aventure à l’œuvre à travers la modernité, il serait possible d’élargir la notion à des domaines qui, à première vue, ne sembleraient pas lui appartenir en propre, comme la création intellectuelle et artistique ainsi qu’une certaine dimension destinale ou d’accomplissement de soi, autrement dit d’aller de l’aventure vers un au-delà de l’aventure. 

Nous invitons ainsi à une réflexion autour des questions multiples que la problématique de l’aventure est en mesure de soulever durant la modernité et jusqu’à nos jours dans une perspective interdisciplinaire, à la croisée de la littérature, de l’histoire du voyage et des représentations ainsi que de l’anthropologie culturelle, selon quelques axes de réflexion possibles :

 

1. L’aventure : notion et genre littéraire

-la notion d’aventure : définitions et nuances conceptuelles ou sémantiques

-récits de voyage, récits d’aventures, romans d’aventures 

-« aventure aventurière »/vs/« aventure aventureuse » (Vladimir Jankélévitch) 

-aventures réelles, aventures imaginaires 

-l’aventure entre gratuité ludique et utilité pédagogique

2. L’aventure et le Monde 

-temps et espaces de l’aventure

-l’aventure entre nostalgie et néophilie

-aventure, tourisme et exotisme

-désirs d’aventure, d’errance, de vagabondage

-figures spatiales de l’aventure : le désert, la forêt, la montagne, la mer etc.

-figures de l’aventurier 

-« aventurier actif » vs « aventurier passif » (Pierre Mac Orlan)

-goût de l’aventure et saveurs du monde

3. L’aventure et l’Autre 

-qui est l’Autre de l’aventurier ?

-aventures culturelles et interculturelles

-l’aventure coloniale

-l’aventure amoureuse

4. L’aventure et le Moi 

-l’aventure entre extériorité et intériorité

-aventure et quête de soi  

-l’aventure au féminin : la figure de l’aventurière

-aventures intellectuelles, spirituelles, esthétiques

-créations de l’aventure, aventures de la création 

 

Repères bibliographiques :

Jankélévitch, Vladimir,  L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Paris, Aubier, 1963.

Kawczak, Paul, « À la recherche de l’aventure. Méthode et enjeux d’une étude du roman d’aventures français de l’entre-deux-guerres », Revue ¿Interrogations ?, no. 17. L’approche biographique, janvier 2014 [en ligne].

Keck, Frédéric, « L’aventure de l’ordinaire chez Sartre et Lévi-Strauss. La Nausée et Tristes tropiques, une lecture croisée », Les Temps Modernes, vol. 632-633-634, no. 4, 2005, pp. 181-192.

Lauthelier, Rachel, « Quand le récit de l’aventure supplante la relation du voyage : le voyage de Perse au XVIIIe siècle », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 104, no. 4, 2004, pp. 871-886.

Letourneux, Matthieu, Le roman d’aventures 1870-1930, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2010.

Mac Orlan, Pierre, Petit Manuel du parfait aventurier, Paris, Éditions Sillage, 2009 [1920].

Simmel, Georg, Philosophie de la modernité, Lausanne, Payot, 1989.

Tadié, Jean-Yves, Le roman d’aventures, Paris, Presses Universitaires de France, 1982.

Venayre, Sylvain, La gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne (1850-1940), Paris, Aubier, 2002.

Venayre, Sylvain, « La Belle époque de l’aventure (1890 1920) », Revue d’histoire du XIXe siècle, 24 | 2002, pp. 93-110.

 

Les propositions de communications, rédigées en français (titre et résumé, 300 mots maximum), accompagnées d’une notice bio-bibliographique, seront à envoyer à Vanezia Pârlea et à Diana Samarineanu avant le 10 mai 2019

Une réponse sera communiquée autour du 25 mai 2019. 

Le colloque sera suivi d’une publication des contributions dans un ouvrage collectif.

 

Comité scientifique :

Vanezia Pârlea (Université de Bucarest)

Diana Samarineanu (Université de Bucarest) 

Dolores Toma (Université de Bucarest) 

Comité d’organisation :

Larissa Luică (Université de Bucarest)

Vanezia Pârlea (Université de Bucarest)

Diana Samarineanu (Université de Bucarest) 

Mihaela Stănică (Université de Bucarest)