Axe « Métamorphoses de la démocratie »
Dénonciations et pratiques de corruption politique dans les nouvelles démocraties
10-11 novembre 2016
CEREFREA Villa Noël (6, Rue Emile Zola, Bucarest)
A partir de 2016, l’axe de recherche « Métamorphoses de la démocratie » du CEREFREA Villa Noël, en partenariat avec la Faculté de Sciences Politiques de l’Université de Bucarest, lance une série d’interrogations sur les limites de la démocratie dans l’Europe contemporaine. Le premier volet de cette réflexion porte sur les enjeux de la représentation politique contemporaine et sur la dénonciation de la corruption politique dans les nouvelles démocraties.
Présentation générale :
La corruption est comprise comme un phénomène politique construit du point de vue social (Johnston, 1996) et comme une notion à étudier (et non comme une catégorie de l’analyse). Ce choix épistémologique s’inscrit dans le constructivisme « modéré » selon lequel les pratiques du pouvoir et les discours qui les accompagnent sont en processus de définition et de redéfinition permanent par les différents acteurs sociaux et politiques (Monier, Dard, Engels, 2014). La corruption comme catégorie à problématiser et comme un ensemble de discours critiques est un choix méthodologique d’autant plus pertinent que des réformes récentes remettent en question la capacité des nouvelles démocraties à limiter les abus de pouvoir, tandis que les contestations de la rue, de plus en plus nombreuses, dénoncent la corruption endémique et les conflits d’intérêts des élites.
A une première vue, l’antithèse entre « les démocraties occidentales » et « les nouvelles démocraties », en termes de dénonciation des mauvaises pratiques en politique et d’attentes de la bonne gouvernance, semble aujourd’hui obsolète. Les transferts institutionnels, l’européanisation, la rhétorique quasi-globale de la dépolitisation de la politique (e.g. la lutte pour la transparence, l’idéal technocratique ou encore le développement des autorités autonomes) ont contribué à une convergence normative dans la définition des attentes quant à la définition de la représentation politique et à la sanction des dérives du pouvoir. A l’opposé, des particularismes régionaux visent en principal les microtechniques du pouvoir et les stratégies de la colonisation des biens de l’Etat (van Biezen, 2004 ; Morlino, 2005 ; van Biezen & Kopecký, 2006, 2014 ; Mair et al., 2011). Par ailleurs, 25 ans après la chute du communisme, l’enjeu de « la démocratisation » n’a pas disparu tout d’un coup : la fin des régimes autoritaires avait surtout lancé de nouveaux défis à une politique d’intégrité (parfois à caractère idiosyncratique). Dans des pays comme la Géorgie ou la Moldavie l’européanisation semble remise en question, tandis que pour les pays des Balkans de l’Ouest, jadis des porte-paroles de la libéralisation des régimes communistes, l’adhésion à l’Union Européenne reste incertaine. Dans tous ces cas, « la corruption » est souvent citée comme un facteur prépondérant dans les retards, dans le développement ou encore dans l’édification de l’Etat de droit. Même les gagnants de la transition, les Etats qui ont rejoint l’UE en 2004 et en 2007, se voient confrontés, après une étape d’euphorie, à l’érosion de la représentation politique (Ágh, 2010 ; Rupnik, 2007 ; Pridham, 2008 ; Sedelmeier&Iusmen, 2015). La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, autrefois des modèles de la transition réussie, ont développé des pathologies du pouvoir telles que le populisme, la corruption et d’autres formes de patronage politique (Scheppele et al., 2012 ; Meyer-Sahling & Veen, 2012 ; Batory, 2012 ; Fink-Hafner, 2014). En Roumanie ou en Bulgarie, les soi-disant « mauvais écoliers » de l’Europe, des progrès encore limités ont été enregistrés quant à la lutte contre la corruption (Smilov, 2007 ; Gherghina, 2013 ; Hein, 2015).
A partir de ces constats, ce colloque invite à examiner les sources et les formes de la dénonciation de la corruption à travers la région. Nous considérons en tant que concept opérationnel que la corruption renvoie à un ensemble de jugements critiques portés, par les contemporains, sur des techniques d’influence et d’intérêt que l’on estime contraires à l’intérêt général (Dard, Engels, Fahrmeir et Monier, 2014). Nous considérons également que les nouveaux vocabulaires de l’intégrité, bien au-delà d’un accord de principe, constituent une source importante de polarisation politique qui s’articule justement à partir de la dénonciation de la corruption (surtout de l’adversaire politique). Le colloque invite ainsi les sciences sociales du politique (notamment science politique, histoire, sociologie, anthropologie) à étudier les sources et les formes de la convergence dans la dénonciation des pathologies politiques sous l’angle de la corruption.
Les axes de l’appel à communications :
Les études de cas ou les comparaisons régionales essaieront de suivre – sans s’y limiter – les questions suivantes :
(a) S’agirait-il d’héritages historiques trahissant des processus de modernisation homologues qui ont échoué d’une façon similaire dans la région ?
(b) La dénonciation serait-elle l’effet d’un processus d’européanisation en trompe-l’œil qui se voit aujourd’hui dévoilé au niveau politique ?
(c) Ou encore, l’obsession dénonciatrice serait-elle le signe d’un nouveau processus de bas en haut, selon lequel des citoyens critiques accusent la transition malmenée par les élites politiques ?
(d) Quelles sont les appropriations et les constructions idéologiques du discours sur la corruption ?
(e) Quelles sont les nouvelles notions de « commun » et du « public » produites par le discours anti-corruption ?
(f) Quelle est la typologie institutionnelle qui résulte des politiques anti-corruption ?
Organisation :
Les propositions de communication (500 mots au maximum) sont à envoyer à Alexandra Iancu (alexandra.ionascu@fspub.unibuc.ro) et à Silvia Marton (silvia.marton@fspub.unibuc.ro) avant le 15 juillet 2016. Au cas où votre proposition de communication sera retenue, nous vous prions d’envoyer sa première version avant le 1er octobre 2016
Aucun frais de participation n’est prévu. Dans la limite du budget, une aide à participation (coûts du voyage et du logement) sera disponible pour les ressortissants des pays de la région Europe centrale et orientale, en provenance des universités membres AUF BECO. Lors de l’envoi de votre proposition de communication, veuillez nous indiquer si vous souhaitez bénéficier d’une telle aide financière.
Nous souhaitons publier un livre collectif en 2017 à partir de différentes contributions présentées.
Comité scientifique :
Petia Georgieva (politiste, Nouvelle Université Bulgare, Sofia)
Alexandra Iancu (politiste, Université de Bucarest)
Silvia Marton (politiste, Université de Bucarest)
Frédéric Monier (historien, Centre Norbert Elias, Université d’Avignon)
Comité d’organisation :
Alexandra Iancu (Université de Bucarest)
Silvia Marton (Université de Bucarest/Cerefrea Villa Noël)
Simona Necula (Cerefrea Villa Noël)